Au vent de l’éventuel
Laisser place à l’imprévu en occupant collectivement, en cœur de ville, un bâtiment public universitaire vacant et le réhabiliter tout en se formant : une programmation ouverte pour construire et se reconstruire
Rédaction : L’École du terrain
Entretiens avec Sophie Ricard, Jean Badaroux, Louis-Marie Belliard, Philippe Le Ferrand et Erwan Godet
Première période : UNIVERSITÉ FORAINE (2013-2015)
Convention d’occupation pour le devenir du bâtiment Pasteur et le Moulin d’Apigné entre :
- Commanditaires : Ville de Rennes et Rennes Métropole
- Permanence architecturale : Association Notre Atelier Commun (NAC) avec Patrick Bouchain, Loïc Julienne et Sophie Ricard en permanence (étude des usages par l’ouverture du lieu et la mise à l’épreuve du bâtiments par l’usage – production d’une étude de faisabilité en actes)
- Budget : subvention de 150 000 Euros TTC (2013-2014), puis de 70 000 Euros TTC (2014-2015)
Seconde période : Délégation de mandat à la SPLA Territoires Publics (2015 -2021)
- Commanditaires : Ville de Rennes
- Maîtrise d’ouvrage déléguée : Territoires Publics (2015 – 2018) avec Louis-Marie Belliard, urbaniste chargé d’opération.
- Architecte en permanence (2015-2019) : Sophie Ricard en assistance à maîtrise d’ouvrage pour la SPLA Territoires Publics dans la continuité de l’Université Foraine (ouverture du site au public à partir de l’étude des usages, gestionnaire du bâtiment Pasteur, création de la gouvernance partagée du lieu, rédaction de l’appel d’offre à destination de la MOE, montage des différents chantiers écoles, d’applications, d’insertion et partenariats du chantier comme acte culturel), avec Lise Buisson, géographe (2017-2021)
- Maîtrise d’œuvre Phase 1 (2016 – 2018) : Agence Nicolas Chambon Architecte (rénovation totale du clos et couvert, enveloppe extérieure du bâtiment, reprise et création de grandes verrières)
- Maîtrise d’œuvre Phase 2 (2018-2021) : Agence Encore Heureux Architectes : Sébastien Eymard, directeur associé et Léa Obson, cheffe de projet (rénovation intérieure du bâtiment ; implantation de l’école maternelle de huit classes au rez-de-chaussée et rénovation partielle des étages de l’Hôtel Pasteur et de l’Edulab ; création de la cuisine collective sur l’aile centrale)
- Architecte en permanence de chantier pour Encore Heureux : Guillaume Join-Trémeur (suivi de chantier et mise en œuvre du chantier comme acte culturel)
- Coût de l’opération : 14 000 000 Euros TTC
- Entreprises présentes sur le chantier : SNPR (échafaudage – maçonnerie, ravalement), Limeul (charpente, étanchéité), SNPR-Maussion (couverture), Binois-Prismalu (menuiseries extérieures bois alu), Isol 22 (plâtrerie isolation), Valgo (désamiantage), SDIGC (curage-démolition), Bouchard (gros-oeuvre), Cénomane (charpente couverture), Amor Rénovation (cloisons plâtrerie faux-plafond), Menuiserie Cardinal (menuiseries intérieures agencement parquet), Prismalu (métallerie serrurerie escalier), Mariotte (sols durs faïence sols souples), SMAP (peinture), Missenard-Quint (plomberie CVC), Rannou (électricité CFO CFA SSI), JD Euroconfort (cuisine), ABH (appareils élévateurs), Barthélémy (VRD), ID Verde, Pelleteurs de nuages, Un brin de paysage (paysage, mobiliers extérieurs, jeux), Compagnons bâtisseurs (peinture)
- Acteurs associés au chantier : Breizh Insertion Sport, KeurEskemm, Le restaurant social Leperdit, l’équipe mobile précarité psychiatrie, Les petits débrouillards Bretagne, les Compagnons Bâtisseurs Bretagne, l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne, l’École Européenne Supérieure d’Arts de Bretagne, l’AFPA Rennes, le GRETA, Tout Atout, Pierre Brongniart, Les Rencontres inter-mondiales de l’architecture, CUESTA
- 2012 – 2013: Université foraine sur plusieurs sites à Rennes et installation de la permanence à l’Hôtel Pasteur
- Fin 2014 : remise de l’étude de faisabilité en actes à la Ville de Rennes qui souhaite installer une école maternelle au rez-de-chaussé du bâtiment et continuer l’expérimentation dans les étages à partir de l’étude tout en continuant l’ouverture au public
- 2015 : la Ville de Rennes mandate l’aménageur Territoires Publics pour assurer la maîtrise d’ouvrage déléguée et la gestion du lieu en prolongeant la permanence expérimentée lors de l’Université Foraine
- 2016 : création de l’association collégiale de l’Hôtel Pasteur qui va assurer progressivement la maîtrise d’usage et la gestion du bâtiment en lien avec la permanence et l’aménageur Territoires Publics. Appel d’offre de maîtrise d’œuvre (MOE) pour la réhabilitation du bâtiment Pasteur (école maternelle, hôtel à projets) en deux phases : le clos et couvert, puis l’aménagement de l’école maternelle et l’aménagement intérieur du bâtiment
- 2017 : Première phase de travaux : rénovation du clos et couvert par Nicolas Chambon architectes
- 2018 : déménagement du centre de soins dentaires ; début des travaux de la seconde phase avec Encore Heureux Architectes
L’agence Encore Heureux, commissaire d’exposition pour le pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise, présente l’hôtel Pasteur parmi les dix « Lieux infinis ». L’occasion pour l’association collégiale, la permanence avec Territoires Publics et la ville de Rennes de poursuivre la réflexion sur la gouvernance et le modèle économique du lieu avec la promulgation des « Actes de Venise » - 2019 : convention d’occupation pour cinq ans et contrat d’objectifs passés entre la Ville de Rennes et l’Association de l’Hôtel Pasteur, qui assure désormais pleinement la gestion de l’hôtel à projet pour cinq années renouvelables
- 2021 : ouverture de l’école maternelle, de l’Edulab et de l’Hôtel Pasteur
-
- Faire Université Foraine : arpenter le territoire pour rassembler
- Occuper le bâtiment pour mieux s’occuper de lui et des autres : la permanence architecturale et l’étude de faisabilité en actes
- Un aménageur public pour conforter la permanence architecturale et mettre en œuvre la réhabilitation
- Une gouvernance collective
- Un programme de rénovation pour continuer de faire avec les acteurs et les actrices du lieu
- Un chantier ouvert, acte culturel et lieu de formation et d’accompagnement social
Au « vent de l’éventuel », la formule du poète surréaliste André Breton pourrait figurer au fronton de l’hôtel Pasteur tant elle résume la philosophie du projet. Mais n’y entrons pas tout de suite et avant d’y revenir, reculons de quelques pas. Il y a, de l’autre côté du fleuve, dans le musée des Beaux-Arts de Rennes, un tableau de Georges de la Tour, le maître français du clair-obscur, intitulé « Le Nouveau-né » (1648). Dans un espace au fond noir, indéterminé, une femme tient sur ses genoux, d’une main peu assurée, son enfant dans les bras. Face à elle, une autre femme, qu’un simple pli au menton laisse deviner plus âgée, sa mère, tient, elle, une bougie qui éclaire le bébé emmailloté. La flamme est cachée par sa main dont le bout des doigts s’infléchissent en signe de bienvenue au monde. Tout est chaud, orangé, dans cette « part sereine de la nuit ».
Ce n’est donc pas un hasard si ce tableau d’une naissance et d’une attention portée à ce qui naît fut projeté en 2014 sur la façade de l’Hôtel Pasteur pour illuminer autrement le bâtiment pendant sa réactivation et questionner ainsi l’éclairage de nos monuments publics. Le rez-de-chaussée de ce patrimoine historique plus que centenaire accueillait toujours un centre de soins dentaires sur le départ et les deux étages de cette ancienne faculté des sciences étaient désaffectés depuis une dizaine d’années. Que faire donc de ces 6 000 m² vacants en plein cœur de la ville ? Les vendre ? L’investissement aurait été trop lourd à porter pour un promoteur privé malgré la position centrale du lieu.
La municipalité, propriétaire du lieu, tente alors un pari audacieux : elle soutient l’association Notre Atelier Commun (NAC) sur une année renouvelable, non pour donner une réponse, pas tout de suite, mais pour prendre le temps de déplier la question « que faire de ce patrimoine vacant ? » à travers L’Université Foraine. Tout en s’appuyant sur le centre de soins dentaires, offre de soins en centre-ville quotidiennement visitée, peut-on travailler dès à présent sur l’appropriation collective de nos architectures vacantes aux fins de définir la commande1 et d’occuper un lieu avant même d’écrire un programme2 figé ? Dès lors, l’architecte Sophie Ricard s’installe comme permanente et ouvre l’hôtel Pasteur au plus grand nombre via une convention d’occupation signée avec la Ville. Cette école des situations est capable de mettre en place une programmation ouverte, c’est-à-dire d’ouvrir le bâtiment au plus grand nombre et d’y tester des activités impensées grâce à l’occupation progressive et expérimentale des espaces en fonction des besoins de la cité. Alors peut commencer l’aventure d’y prendre « comme nulle part ailleurs le vent de l’éventuel », c’est-à-dire de l’imprévu.
Faire Université Foraine : arpenter le territoire pour rassembler
Faire école à l’endroit même où la problématique se pose : voilà l’idée. Mais, dans les premiers mois, l’association NAC ne dispose pas encore des clés du bâtiment. S’active alors, dans la ville et le territoire de la métropole, l’Université Foraine. Comme l’explique le texte de commande que s’est donnée l'association NAC, « l'Université Foraine se propose d’intervenir sur des sites inoccupés, sans programme prédéfini, et de faire émerger un projet par la participation, l’ouverture au public, en travaillant sur l’appropriation ». C’est un laboratoire itinérant qui expérimente l’alchimie entre savoirs-faire et savoirs savants, théorie et pratique en allant à la rencontre des acteurs et actrices, institutions et associations pour comprendre les disparités et les ressources du territoire.
Cette université, au sens ancien d’une communauté assemblée de la cité, s’installe en forain, portant sur le territoire un regard naïf, c’est-à-dire attentif et nouveau. Sophie Ricard le cartographie peu à peu, telle une étude de géographie sociale en organisant des rassemblements de l’Université Foraine un peu partout dans la ville, là où se pose justement une question, notamment sociale, paysagère ou urbaine. Grâce à cet arpentage du territoire, actrices et acteurs institutionnels et associatifs, de la culture (dont le Musée des Beaux-Arts et le Théâtre National de Bretagne…), de l’université (étudiantEs des universités en science politique, Agro Campus…), du soin (enseignant de la faculté dentaire, association d’insertion par le sport, psychiatre de l’équipe mobile psychiatrie précarité du Centre hospitalier Guillaume Régnier…) et du paysage (laboratoire de l’INRA…) convergent progressivement autour du projet de l’Hôtel Pasteur. Nombre d’entre elles et eux pressentent que ce lieu sans étiquette leur permettra de faire un pas de côté dans leurs pratiques et d’ouvrir le champ des possibles hors de toute fonctionnalité prédéfinie.
Comme le souligne Sophie Ricard, « une architecture vacante peut être un prétexte à faire se rencontrer pratiques institutionnelles et pratiques plus marginales, associatives ou privées. Elle permet l’appropriation du lieu, donc la rencontre, et travaille ainsi à revigorer nos démocraties locales ».
Tel éducateur sportif au sein d’une association d’insertion pourra ainsi y accueillir les personnes sans-abri mal à l’aise dans les salles de sport qui imposent une pratique souvent normée, régulière et à l’année. Tel psychiatre, praticien des thérapies communautaires fondées sur l’échange en groupe, pourra ainsi organiser des séances dans un autre lieu et pour un autre public que celui du centre hospitalier. Tel champignonniste trouvera enfin un usage aux hautes caves du bâtiment en y installant une champignonnière en pousse verticale.
Autant de protagonistes qui déploient une pratique du soin élargie, une attention portée à la santé sociale et au bien-être, qui seront les fils rouges de l’occupation de l’Hôtel Pasteur. Car si les actrices et acteurs culturelLEs, à la recherche d’ateliers, de salles de répétition ou de représentation peuvent « facilement » s’approprier un pareil lieu, il fallait surtout veiller à ce que celles et ceux qui prennent soin des personnes délaissées dans de petites organisations (une association) ou, au contraire, dans des institutions engoncées entre leurs murs (un centre hospitalier) puissent également le faire. L’exercice dépasse largement celui de la démocratie participative et des ateliers de concertation classiques puisque, une fois obtenue la clé du bâtiment début 2013, c’est aux actrices et acteurs eux-mêmes qu’elle sera confiée pour occuper et éprouver les lieux. Une seule clé, d’ailleurs, qui, toutes ces années, passera de main en main sans jamais être perdue.
Occuper le bâtiment pour mieux s’occuper de lui et des autres : la permanence architecturale et l’étude de faisabilité en actes
Deux ans durant, en 2013 et 2014, tous ces protagonistes occupent diverses parties du bâtiment (500m²), peu électrifié et non chauffé. Quelques améliorations des conditions de sécurité sont cependant réalisées par la permanence, afin de pouvoir ouvrir des espaces au public sans qu’ils ne soient aux normes ERP (Établissement recevant du public). Validées par un bureau de contrôle, élaborées avec les pompiers du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), elles permettent de faire des technicienNEs et des pompiers présents sur le lieu des alliéEs de la permanence. ChacunE prend ainsi conscience des enjeux de cette expérimentation. Les pompiers forment les premierEs résidentEs aux gestes de secours. Sophie Ricard établit un guide d’évacuation. Des mesures compensatoires sont élaborées avec les pompiers lorsque la jauge initiale de 50 personnes est dépassée.
L’occupation éprouve ainsi les usages du bâtiment et embarque tous les acteurs et les actrices, les technicienNEs et les ingénieurEs dans cette expérimentation. La permanence architecturale catalyse les besoins et les désirs de la population. Elle devient ce tiers acteur capable de fédérer au-delà des seuls savoir-faire techniques. A l’inverse d’unE programmiste, qui consignerait de loin les attentes des RennaisES dans un bâtiment maintenu fermé le temps de la consultation et qui proposerait finalement un lieu pour tout le monde, c’est-à-dire pour personne en particulier, une destination figée et un lourd budget d’investissement, ici, la programmation du futur lieu s’écrit par son occupation, dans le mouvement et par les actrices et acteurs eux-mêmes. C’est ce que la permanence appelle l’étude de faisabilité en actes. « En se faisant gardien d’un tel lieu par le biais de la permanence architecturale, en observant les usages et en faisant confiance, explique Sophie Ricard, l’architecte joue à nouveau un rôle d’accompagnateur de la rédaction du programme et donc de la commande ». L’hôtel Pasteur devient cette « place publique avec un toit », dans un bâtiment qui a toujours appartenu à la collectivité. En effet, l’ancienne faculté des sciences en disposait à travers d’un bail emphytéotique, que la ville de Rennes replace aujourd’hui entre les mains de ses citoyenNEs. La « pièce en plus » au sein d’un réseau d’acteurs et d'actrices et de lieux dans la cité.
Au mitan de 2014, l’association NAC remet à la municipalité son étude de faisabilité en actes guidée par le fil rouge de l’hospitalité, qui propose, tout en poursuivant l’expérimentation des usages qu’elle a étudiés, une série de travaux de mise en sécurité, d’accessibilité et de « confort » ainsi que la création de quelques espaces collectifs pérennes, dont une cuisine partagées entre tous les hôtes. Mais la majorité des espaces resteront libres de programmation, libres d’être occupés selon les besoins ponctuels et réversibles (une cantine éphémère, des bureaux, un laboratoire de coiffure, un lieu de danse, un autre de sport…).
Ainsi affinée, la proposition de travaux se révèle deux fois moins coûteuse qu’une réhabilitation complète du bâtiment dans un programme figé comme un théâtre. Et pour cause, le temps de l’étude et de la permanence a, par exemple, permis de réaliser qu’une isolation intérieure totale aurait obligé à détruire une bonne partie de la mémoire des lieux, comme les paillasses des ancienNEs laborantinEs et les vitrines de la grande bibliothèque. Dès lors, l’isolation ne concernera que les petits espaces où les gens restent statiques. Cette mise à l’épreuve de la norme thermique au service de l’usage lui redonne tout son sens et ne pouvait se faire qu’en essayant diverses occupations avant même de dédier à cette architecture une nouvelle programmation sur plan. Les étages supérieurs de l’hôtel deviennent des zones hors gel, espaces tampon sobrement chauffés (13 degrés) entre la froidure extérieure et le rez-de-chaussée. Manière, là encore, d’éviter une isolation complète du bâtiment, destructrice de son patrimoine. Chaque espace est différemment chauffé selon son usage, questionnant ainsi la norme de chauffage de nos bâtiments publics aujourd’hui. Le gain d’investissement sur l’isolation se répercute de fait sur le budget des charges de fonctionnement du lieu.
Un aménageur public pour conforter la permanence architecturale et mettre en œuvre la réhabilitation
La nouvelle équipe municipale approuve le projet de continuer l’expérimentation des usages et d’entamer des travaux. Projet qu’elle consolide en y ajoutant une école maternelle de huit classes au rez-de-chaussée, en lieu et place du centre de soins dentaires qui rejoint le centre hospitalier universitaire de Pontchaillou. Cette école, nécessaire eu égard à la croissance démographique du centre-ville de Rennes, est aussi pour la Ville une manière de justifier politiquement les dix millions d’euros hors taxes (revus finalement à 11,9 millions d'euros hors taxes à la fin des travaux) qu’elle investit dans l’ensemble du projet, y compris dans la programmation ouverte des étages.
Par délégation de maîtrise d’ouvrage3, elle confie début 2015 à la Société publique locale d’aménagement (SPLA)4 Territoires Publics, une mission pré-opérationnelle d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de gestion-animation du lieu. Son directeur général, Jean Badaroux, qui avait travaillé en 2003 avec Patrick Bouchain à la transformation de La Condition Publique à Roubaix, est déjà familier de la permanence architecturale et de la programmation ouverte. En confiant le projet à la SPLA plutôt qu’à ses services techniques, la Ville choisit un opérateur déjà acculturé, plus libre et directement opérationnel.
Le bâtiment Pasteur est mis à sa disposition via une convention d’occupation précaire pour, dans un premier temps, en assurer l’ouverture, l’animation et la sécurité en continuant la mission de permanence architecturale. Tout en laissant le lieu ouvert à l’appropriation, l’idée est maintenant d’écrire le programme de l’école maternelle et de continuer à inventer un lieu ouvert dans les étages : l’hôtel à projets Pasteur. Mais aussi d’en préfigurer les futures modalités de gestion et de gouvernance ainsi que le modèle économique. A charge donc pour Territoires Publics de conforter la mission de l’association Notre Atelier Commun dans la définition du programme et des travaux de l’Hôtel Pasteur. Sophie Ricard devient chargée de mission auprès de Territoires Publics et « concierge » du bâtiment (permanence architecturale, assistance à maîtrise d’ouvrage5 et ouverture au public). Comme un pari, la SPLA Territoires Publics finance sur fonds propres les premiers travaux (47 000€ HT), dont elle imputera le coût dans la future opération de réhabilitation, si celle-ci a lieu.
Après une première phase, durant laquelle un tiers extérieur (l’association NAC) a reçu une subvention de fonctionnement pour gérer un lieu à l’avenir forcément incertain, la Ville saisit l’intérêt de la permanence architecturale et la sanctuarise ainsi au sein même de la maîtrise d’ouvrage, directement intégrée à l’enveloppe budgétaire des études en vue des travaux de réhabilitation du bâtiment. Elle travaillera donc main dans la main avec l’aménageur et à même le terrain.
Jean Badaroux, directeur général de Territoires Publics, raconte : « Un aménageur sait dérouler un projet avec ses objectifs, ses plannings, ses procédures, ses bilans, en s’inscrivant dans le temps long. Mon rôle d’aménageur était donc pour la municipalité un gage de sérieux dans une opération qui, si elle n’était pas totalement comprise, était perçue comme relevant de l’intérêt général. L’idée de permanence permet à des utilisateurs d’agir sur la conception. Elle tire l’idée vers le collectif et écarte l’écueil d’une maison bis des associations. Et l’étude de faisabilité « en actes », comme l’a théorisée Sophie Ricard, a montré qu’on pouvait faire, sans pousser les murs, toute une série d’activités impensées dans une architecture qui n’avait pas été conçue pour ça au départ ».
« En fait, le programme c’est qu’il n’y a pas de programme, résume-t-il. On ne fait que les travaux qui sont nécessaires pour que ce bâtiment soit en état de fonctionner mais sans l’adapter à aucun usage spécifique. Un aménagement sobre et raisonnable. Plus on investit pour spécialiser, plus on s’éloigne de Pasteur. Alors pour définir le principe d’aménagement, on continue de faire occuper le bâtiment ». L’idée d’un chantier différent émerge.
Une gouvernance collective
Afin de ne pas perdre l’élan ni d’essouffler la singularité du projet, la future gouvernance du lieu est actée, sous la forme d’une association collégiale, créée dès 2016 à partir d’une première assemblée des partenaires issue de la société civile du temps de l’Université Foraine. L’association L’Hôtel Pasteur aura un vrai rôle pour définir la gestion du lieu dans le cadre du chantier ouvert mais aussi d’en préfigurer la future gouvernance une fois les travaux achevés.
En 2018, les architectes d’Encore Heureux sont les commissaires du pavillon français lors de la Biennale d’architecture de Venise. Ils invitent dix « lieux infinis » en France à occuper temporairement la Caserma Pepe, ancienne caserne militaire et onzième « lieu infini », sur l’île du Lido. Parmi ces dix lieux, l’Hôtel Pasteur. C’est ainsi que l’association et une délégation de la Ville de Rennes, emmenée par la maire Nathalie Appéré, partent en séminaire d’étude pour réfléchir à la future gestion du lieu. De cette réflexion naîtra la convention d’occupation liée à un contrat d’objectifs, signée entre les deux partenaires pour cinq ans à partir de la livraison de l’Hôtel Pasteur, et via laquelle l’association en assure pleinement la gestion et l’animation.
Collégiale6, ouverte et avec différents représentants de la société civile par rotation, l’association a été divisée en trois puis, aujourd’hui, en cinq collèges afin d’établir une gestion plus contributive, démocratique et partagée entre les représentantEs mais aussi les hôtes utilisateurs du lieu qui sont ainsi responsabilisés dans les usages, la gestion quotidienne, l’entretien des espaces et leur participation à l’histoire du projet.
Un programme de rénovation pour continuer de faire avec les acteurs et les actrices du lieu
En parallèle, un autre défi se pose : comment faire pour que la programmation ouverte ne se referme pas dans un appel d’offre classique et contraint ? Comment faire pour que le chantier cristallise l’élan soulevé par l’occupation du bâtiment sans en assourdir l’écho et fermer le lieu pendant les travaux ? En somme, comment faire pour que la commande publique traduise ces manières de faire différentes que sont l’étude de faisabilité en actes, la permanence architecturale et la programmation ouverte, plus réactives, plus agiles, plus denses et plus fines que bien des procédures habituelles de construction ?
Déjà présent sur les lieux grâce à sa mission d’assistance pré-opérationnelle, Territoires Publics est reconduit par la municipalité qui lui délègue la maîtrise d’ouvrage du chantier à hauteur de dix millions d’euros hors taxe d’investissement. Une convention de mandat, signée fin 2015, précise bien l’enjeu du projet : « créer une école maternelle et un « hôtel à projets », lieu où des acteurs venant de structures et d’horizons différents seront accueillis temporairement pour développer des activités » dans la continuité de l’Université Foraine. Jean Badaroux raconte : « Un budget d’investissement a été voté par la municipalité et nous avons un mandat de représentation pour le dépenser en son nom afin de réaliser le projet. Dans une maîtrise d’ouvrage classique, on organise un concours, on écrit un cahier des charges, on conduit les travaux. Là, le bâtiment avait déjà été mis à l’épreuve par l’étude de faisabilité en actes. La permanence a créé la commande que je dois mettre en œuvre. Notre rôle devenait plus intéressant : comment écrire un appel d’offre différent qui inclut des chantiers expérimentaux avec des acteurs déjà révélés ? Comment le chantier peut-il rester ouvert au public avec l’association de l’Hôtel Pasteur, créée en 2016 et présente sur site tout au long du chantier ? ».
En 2016, le programme de réhabilitation du bâtiment, rédigé par Sophie Ricard et Louis-Marie Belliard, chargé d’opération à Territoires Publics, fait l’objet d’un appel d’offre aux maîtrises d’œuvre. Une première phase, dédiée au clos et au couvert afin de préserver l’aspect extérieur du bâtiment sans velléités de surélévation ou d’ajout de mètres carré, est confiée à l’agence rennaise de Nicolas Chambon, spécialisée dans la rénovation de bâtiments patrimoniaux. La seconde phase, qui concerne l’implantation de l’école maternelle, d’un Edulab (lieu d’expérimentation et d’apprentissage des usages et des cultures numériques) et la rénovation douce et partielle de l’aménagement intérieur des étages pour l’hôtel à projets, est confiée à l’agence parisienne Encore Heureux. Pour cette seconde phase de travaux qui s’attelle aux étages non spécialisés, le programme est ainsi rédigé qu’il énonce d’emblée la méthode que les architectes auront à mettre en œuvre dans la continuité de la permanence. Faire avec les actrices et acteurs du site, travailler main dans la main avec la future association de gestion, continuer d’ouvrir le plus possible le lieu durant les travaux et accompagner les différents chantiers école et d’application, condition première pour que ce chantier soit véritablement ouvert et un acte culturel de formation et d’insertion.
L’école des Beaux-Arts, les Compagnons Bâtisseurs, les Petits Débrouillards, l’Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA), le GRETA (groupement d’établissements scolaires qui dispensent des formations pour adultes), Breizh Insertion Sport, l’équipe mobile Précarité psychiatrie du centre hospitalier Guillaume Régnier, autant d’acteurs désireux de participer au chantier de rénovation collectif de l’Hôtel Pasteur et avec qui la permanence et Territoires Publics ont déjà monté des partenariats. L’agence Encore Heureux accepte et répond donc en mettant de suite en œuvre une nouvelle permanence pour le suivi du chantier, tenue par Guillaume Join-Trémeur, jeune architecte qui travaillera aussi sur site aux côtés de Sophie Ricard, de Territoires Publics et de l’association L’Hôtel Pasteur.
Un chantier ouvert, acte culturel et lieu de formation et d’accompagnement social
Un chantier ouvert, donc, lui aussi permanent, pour rénover tout en occupant. La convention de mandat passée avec l’aménageur le précise clairement : « il est essentiel pour la bonne appropriation du lieu par ses utilisateurs que perdure ce fonctionnement ouvert d’accueillir des porteurs de projets et des manifestations, qui concoure à préciser l’objet et le mode de fonctionnement futur de « l’hôtel à projets ». Dès lors, l’appel d’offre aux entreprises, rédigé par Sophie Ricard (embauchée entre-temps , intègre les ambitions d’un chantier ouvert vu comme un acte culturel en insistant sur l’insertion, la formation professionnelle et les chantiers d’application avec des étudiants et de jeunes diplômés des grandes écoles.
Cette mission, originale pour un aménageur, de coordonner de front la rédaction de l’appel d’offre aux architectes, la mise en œuvre du chantier comme acte culturel, le maintien du lieu ouvert et la réflexion sur sa gouvernance future (avec l’embauche par Territoires Publics, comme deuxième permanente, de Lise Buisson) pourrait représenter un surcoût, estimé par Jean Badaroux à 20% de la rémunération du mandat. Mais, ajoute-t-il, « on peut aussi considérer que la présence permanente d’une équipe sur le site du chantier allège de 20% les moyens à mobiliser au sein de l’équipe de Territoires Publics ». Surtout, qu’une permanence combine étude de faisabilité, pilotage d’un chantier ouvert et mise en place d’une gouvernance, et allège, de fait, l’investissement futur. « Quand la permanence s’en va, tout est fait », conclut Sophie Ricard.
Après avoir très longtemps été cantonnée au vocabulaire des métallurgistes pour désigner la qualité d’un métal qui conserve ou reprend sa forme quelles que soient les pressions de son milieu, la notion de résilience a débordé bien d’autres champs disciplinaires. On parle aujourd’hui de la résilience d’une personne, d’une ville ou d’une société comme capacité de résister aux chocs ou de traverser des épreuves. L’étymologie du mot indique le « fait de rebondir ». Un mouvement, donc, qui repart. Une remobilisation. Qu’un terme de physique, qu’un mot d’ouvrier signale aujourd’hui une capacité individuelle entraînée par le collectif qui l’entoure est une belle morale de l’histoire. C’est exactement ce qu’a voulu expérimenter, entre 2017 et 2020, le chantier de l’Hôtel Pasteur en construisant, ou plutôt en reconstruisant, les lieux et les gens qui y participent.
Il y a d’abord l’accueil, depuis le début du projet, d’Erwan Godet, éducateur sportif. Avec son association Breizh Insertion Sport, il aide des personnes précaires à se réinsérer dans la société par la pratique sportive. « Les salles de sport classiques nécessitent de l’anticipation : il faut s’inscrire à l’année et venir pratiquer régulièrement, explique-t-il. Anticiper est impossible avec un public précaire. Souvent ces personnes n’aiment pas leur corps. Aller dans des lieux dédiés les met donc mal à l’aise. Pasteur a été un lieu de détour, de ruse pédagogique. Quand nous y sommes arrivés, le lieu était en chantier, comme eux. Il leur ressemblait. Ils s’y sont sentis bien. Mais il faut aussi veiller à les en faire sortir au bout d’un moment pour ne pas qu’ils se considèrent eux-même délaissé. Quand ils ont ensuite participé à un événement sportif dans un stade, il y avait une vraie joie, un effet valorisant. Voilà ce que permet Pasteur : c’est un espace permissif pour reprendre possession des lieux plus normés ».
Philippe Le Ferrand ne dit pas autre chose. Lui est psychiatre et responsable de l’équipe mobile psychiatrie précarité de Rennes, qui va au-devant des délaissés du lien social, ceux qui n’ayant pas de « chez-eux » peuvent difficilement habiter un territoire. De l’Hôtel Pasteur, lieu social s’il en est, lieu de brassage où les personnes à la rue peuvent entrer, Philippe Le Ferrand a pu faire « un lieu de promotion de leur santé mentale. ». « J’ai organisé, raconte-t-il, des groupes de parole à leur intention et suis petit à petit entré dans l’organisation de la structure. Moi qui pratique dans des lieux très contraints, j’aime le côté rebelle, libertaire, de Pasteur ». En s’appropriant, lui et les personnes qu’il accompagne, un lieu « pas fait pour ça au départ », sans connotation psycho-sociale, il confirme, hors des cadres institutionnels, que la démarche de l’Hôtel Pasteur et sa programmation ouverte couture maille après maille un nouveau contrat social. « Les patients, qui ne vont pas à l’hôpital de peur de passer pour fous, ont trouvé dans l’Hôtel Pasteur un lieu comme eux, en chantier, un peu déglingué, non institutionnel et où ils pouvaient croiser d’autres personnes très différentes ».
Ce fut aussi inscrire au cœur du chantier, donc de la commande publique et des appels d’offres lancés aux entreprises ou aux associations, l’insertion, la formation professionnelle et les chantiers d’application avec des étudiantEs et de jeunes diplôméEs des grandes écoles. Ainsi, de fin septembre 2019 à mi-juillet 2020, grâce au partenariat monté avec les Compagnons Bâtisseurs de Bretagne dans le cadre du dispositif expérimental « Contrat d’avenir » porté par la Région Bretagne, une petite centaine de personnes socialement délaissées ont pu participer au chantier sous forme de sessions de formation de trois semaines renouvelables. Parmi elles, des personnes démobilisées, en recherche d’emploi depuis longtemps ; des jeunes en décrochage scolaire qui se tiennent loin des processus d’insertion socioprofessionnelle et des migrantEs très motivéEs mais souvent désenchantéEs par les formalités, les délais de prise en charge et le marché du travail. Ces personnes, principalement recommandées par des structures hospitalière, associatives et sociales de la ville, bien accompagnées (par des actrices et acteurs du sport, de l’architecture, du numérique ou de la santé, différents des accompagnantEs habituelLEs de l’emploi et de la formation) et dans le cadre d’une activité quotidienne structurante et collective (huit à dix personnes qui œuvrent aux travaux de réparation des anciennes paillasses, vestiges de la facultés des sciences du bâtiment), ont ainsi pu retrouver, comme un « tremplin », des capacités de faire, d’estime de soi, de confiance sociale et de lien avec l’extérieur.
A l’issue de cette expérience « permis de construire et de se reconstruire », et alors que beaucoup d’entre elles étaient très éloignées de l’emploi, quatre ont trouvé un travail, une a créé sa propre entreprise, cinq sont entrées en formation, 35 ont effectué des démarches de recherche d’emploi et beaucoup ont redoublé d’efforts pour apprendre le français ou ont trouvé leur place à travers des actions de bénévolat, toujours accompagnées par les acteurs animateurs de ce grand chantier de « re-mobilisation ».
Un nouveau contrat social, donc, c’est ce qui résume le mieux l’objet de l’Hôtel Pasteur : relier différemment et plus densément la ville et son patrimoine désaffecté ; la commande publique et des manières de faire l’architecture différemment ; les éluEs et les citoyenNEs. Encore ces liens ne sont-ils jamais binaires mais absolument pluriels : éluEs, aménageur, architectes, associations, institutions, délaisséEs, professionnelLEs, curieux et curieuses, l’Hôtel Pasteur s’est construit finalement moins sur un mouvement uniforme que sur des circulations. Tout y rebondit, d’un acteur ou actrice à l’autre et vice versa, d’un collège associatif à l’autre et vice versa, et d’abord les décisions politiques (au sens large de l’organisation du lieu), seul moyen pour que l’ambition initiale soit, à chaque étape, retraduite et ainsi pleinement intègre et acceptée. Une question de rythme et de tempo. La première valeur d’un bâtiment, sinon la seule, est bien sa valeur d’usage. « Le lieu lui-même participe à son succès, conclut Philippe Le Ferrand qui résume le mieux la singularité du projet. C’est un maillage transdisciplinaire où le maillage lui-même est thérapeutique, plus que les qualités de chacun. L’Hôtel Pasteur a réussi à créer un équilibre entre formel et informel, ni squat d’artistes ni Maison des jeunes et de la culture (MJC), sur le fil du rasoir entre l’informel d’une Zone à défendre (Zad) et le formel de l’institution ». Sur le fil du rasoir, c’est-à-dire au-delà du binaire.
En 2018, les architectes d’Encore Heureux sont les commissaires du pavillon français lors de la Biennale d’architecture de Venise. Ils invitent dix « lieux infinis » dont l’Hôtel Pasteur. C’est ainsi que l’association et une délégation de la Ville de Rennes, emmenée par la maire Nathalie Appéré, partent en séminaire d’étude pour réfléchir à la future gestion du lieu.
Bilan de l'Université Foraine (2012-2015), préalable au chantier de l'Hôtel Pasteur, qui « se propose d’intervenir sur des sites inoccupés, sans programme prédéfini, et de faire émerger un projet par la participation, l’ouverture au public, en travaillant sur l’appropriation »
Le chantier de l'Hôtel Pasteur se voulait ouvert, notamment à la formation et à l'insertion professionnelles. Les Compagnons Bâtisseurs ont ainsi fait participer au chantier une centaine de personnes socialement délaissées sous forme de sessions de formation de trois semaines renouvelables.
Convention d’occupation précaire et contrat d’objectifs et de moyens passés entre la Ville de Rennes et l’Association de l’Hôtel Pasteur déléguant aux usagerEs la gestion du lieu pour cinq ans renouvelables.
Convention signée entre la Ville de Rennes, Rennes Métropole et Notre Atelier Commun permettant l'occupation du bâtiment Pasteur et la mise en place d'une permanence architecturale par l'Université Foraine
Document remis à la Ville de Rennes au terme de l'Université Foraine dans l'Hôtel Pasteur qui combine étude des usages expérimentés dans le bâtiment grâce à la permanence architecturale et proposition d'une série de travaux de mise en sécurité, d’accessibilité et de « confort ».
Convention signée entre la Ville de Rennes et l'aménageur Territoires Publics déléguant la maitrise d'ouvrage du chantier (école maternelle, hôtel à projets) qui pérennise la permanence architecturale
Annexe à la mission pré-opérationnelle confiée par la Ville de Rennes à l'aménageur Territoires Publics, la Ville met à disposition de ce dernier, à titre gracieux, le bâtiment de l'Hôtel Pasteur
Mission pré-opérationnelle d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de gestion-animation de l'Hôtel Pasteur signée entre la Ville de Rennes et l'aménageur Territoires Publics pour, dans un premier temps, en assurer l’ouverture, l’animation et la sécurité en continuant la mission de permanence architecturale.
L'association qui gère et anime l'Hôtel Pasteur est collégiale. A l’inverse d’une association classique où les responsabilités sont confiées à un bureau de dirigeants occupant une fonction précise (président, secrétaire, trésorier, par exemple), une association collégiale permet de répartir les responsabilités entre tous ses membres, encourageant ainsi leur autonomie et la discussion collective.
En 2018, les architectes d’Encore Heureux sont les commissaires du pavillon français lors de la Biennale d’architecture de Venise. Ils invitent dix « lieux infinis » dont l’Hôtel Pasteur. C’est ainsi que l’association et une délégation de la Ville de Rennes, emmenée par la maire Nathalie Appéré, partent en séminaire d’étude pour réfléchir à la future gestion du lieu.
« En 2018, une trentaine de personnes se réunissent à la Caserma Pepe à Venise. Invité à la biennale d'architecture par le commissaire d'exposition du pavillon français, le collectif d'architecture Encore Heureux, L'Hôtel Pasteur se donne une semaine d'expérience collective.
Collectif pluridisciplinaire, l’Œilleton s’est fédéré autour de l’expérience urbaine et humaine menée à Rennes par l’Hôtel Pasteur depuis les débuts de l’Université foraine en 2013. À la fois journal sensible et carnet de chantier, [ses] sujets et [ses] formes restent volontairement libres et en mouvement, à l’image du lieu en transformation. Le projet est résolument fondé sur le réemploi et l’échange des expériences : une matière sonore et visuelle réemployée pour la réalisation de multiple productions ».
Collectif l’Œilleton, Les actes de Venise, 2021, France, 43 minutes, (film)
Louis-Marie Belliard est responsable d’opérations à Territoires, la société d’aménagement de la ville de Rennes et de sa métropole. De 2015 à 2021, il s’occupe du chantier de l’Hôtel Pasteur. Dans cet entretien, il explique le rôle d’un aménageur dans un programme classique et, en contrepoint, la singularité du projet de l’Hôtel Pasteur. Lorsqu’il arrive dans le bâtiment, celui-ci foisonne de vie et expérimente déjà le décloisonnement entre savoirs techniques et savoirs intellectuels. Dès lors, le rôle de l’aménageur n’est pas d’y proposer des solutions mais plutôt, en confiance avec l’architecte, de conduire un chantier qui ne figera aucun des usages du bâtiment. À la fin de l’entretien, Louis-Marie Belliard raconte comment ce projet a transformé la vision qu’il a de son métier et les nouvelles pratiques qu’il met désormais en place dans ses projets.
Rapport d’utilité de l’Hôtel Pasteur 2021
Association L’Hôtel Pasteur, Permis de se re-construire, 2021.
CAZI Emeline, « Quand des villes mutualisent l’utilisation des bâtiments publics », Le Monde, 3 juin 2022.
Collectif, Lieux infinis, Construire des bâtiments ou des lieux ?, catalogue du pavillon français de la 16e Biennale internationale d’architecture de Venise, Montreuil, Éditions B42, 2018.
DIAZ Isabelle (dir.), Terrains d’entente, Palmarès des jeunes urbanistes 2020, Paris, Éditions Parenthèses, 2021.
- La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou ayant une mission de service public, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Les contrats peuvent prendre la forme de marchés publics (l’ensemble de la prestation est financée par le pouvoir public) ou de concession (délégation d’une activité de service public où le gestionnaire se rémunère en partie par l’activité du service). » Les procédures de la commande publique dans le domaine de l’urbanisme et de la construction entraînent souvent un séquençage très important dans la temporalité des projets. Les responsabilités portées par les acteurs et actrices des projets sont également rigides : politiques, technicienNEs, spécialistes, usagers se trouvent dans des rôles déterminés. Itération et formulation de la commande à partir des besoins et usages, contextualisation du projet par mises à l’épreuve progressive et appel aux ressources locales pour construire semblent mission impossible. Pourtant une formulation de la commande de manière collective, un affinage progressif et sur le terrain sont aujourd’hui nécessaires et réalisables et permettent aux nouvelles manières de faire à l’œuvre, d’exister et d’entrer en agilité avec les cadres établis.
- Document écrit dans lequel le maître d’ouvrage définit l’ensemble des objectifs d’une opération. Le contenu du programme présente les idées directrices de l’opération, clarifie les enjeux sociaux, culturels, économiques, établit une hiérarchie des objectifs, donne une définition des performances à atteindre. Il indique les principes de fonctionnement, l’affectation des espaces, les objectifs qualitatifs, les contraintes de délais et de coûts. Les programmistes sont les professionnelLEs qui assistent le maître d’ouvrage dans l’élaboration de ce programme. Cette programmation peut aussi se réaliser in situ, en actes, en mettant en œuvre par le biais d’une permanence architecturale une programmation ouverte. Ainsi, la personne qui mène la permanence, souvent architecte, se met au service de la communauté politique, usagère et habitante pour bâtir le programme.
- La maîtrise d’ouvrage doit assurer de nombreuses tâches pendant le déroulement du projet, telles que faisabilité, programmation, budget et modes de financement, autorisations administratives et d’urbanisme, cahiers des charges, lancement des appels d’offres, passations des marchés, suivi des opérations techniques et des dépenses, réception des ouvrages. Lorsqu’elle n’est pas en mesure d’exercer l’intégralité de ces missions, par manque d’ingénierie par exemple, la maîtrise d’ouvrage peut en confier tout ou partie de l’exercice à un mandataire, dit maître d’ouvrage mandaté, en son nom et pour son compte, via un contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage. Dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage publique, la délégation est encadrée juridiquement dans le cadre du code de la commande publique.
- Les Sociétés Publiques Locales (SPL) d’Aménagement (SPLA) et les Sociétés d’Économie Mixte (SEM) sont des outils d’aménagement pour les collectivités territoriales qui les créent par délibération. Ces structures sont compétentes, entre autres, pour réaliser des opérations d’aménagement, des opérations de construction ou encore pour exploiter des services publics. De statut juridique différent (une SEM est une personne morale de droit privé tandis qu’une SPL est société anonyme), elles fonctionnent différemment et ne sont pas mobilisées de la même manière par les collectivités (territoire d’intervention, procédure de mise en concurrence,…).
- Les maîtres d’ouvrages peuvent faire appel à des « assistantEs » pour les aider et soutenir dans leur rôle de commanditaire. L’assistantE à maîtrise d’ouvrage, dit couramment « AMO », a un rôle de conseil et/ou d’assistance et de proposition, a pour mission d’aider le maître d’ouvrage – qui reste décideur – à définir et piloter le projet, sur des missions qui peuvent être générales (étude urbaine préalable, programmation, …) ou plus techniques (montages juridiques, …). La permanence architecturale/urbaine et la programmation ouverte agissant en amont de la commande, sont des manières de réaliser une AMO sur le site même du projet, en établissant son bureau sur le site même, en rassemblant les différents acteurs et actrices, en permettant l’ouverture au public du site, en élaborant des rencontres et réunions collective de projets etc… Ces méthodes permettent de faire naître le projet en menant ce que l’on appelle des études de programmation et de faisabilité « en actes ».
- A l’inverse d’une association classique où les responsabilités sont confiées à un bureau de dirigeants occupant une fonction précise (président, secrétaire, trésorier, par exemple), une association collégiale permet de répartir les responsabilités entre tous ses membres, encourageant ainsi leur autonomie et la discussion collective.